La bulle de tennis Montcalm

Le 12/11/2021 0

Dans Les clubs

Enfin, du tennis en hiver à Québec!

Alors que Montréal compte au moins un club de tennis intérieur depuis les années 1920, les amateurs de Québec devront attendre longtemps avant de pouvoir pratiquer leur sport en hiver sur de vrais courts(1). Un projet mené par Jean Marois au club Montcalm va finalement concrétiser ce rêve en 1971 : une bulle gonflable abritant deux terrains en terre battue.

Pendant des décennies, les amateurs de la ville vont devoir se contenter d'expédients pour jouer au tennis en hiver. Dès 1921, on a joué des parties de tennis dans le gymnase du YMCA(2). À l'époque, on identifie déjà le besoin d'un tennis intérieur. Les chroniqueurs sportifs comme les responsables de clubs plaident en faveur de tels projets. Ces installations donneraient aux amateurs de Québec la possibilité de s'entraîner à l'année et ainsi de faire meilleure figure contre les joueurs de Montréal ou d'ailleurs. Georges Morency, président du club de la Voirie, résume ainsi la situation en 1936 :

« Je n'hésite pas à dire que nos joueurs sont inférieurs à ceux de Montréal et d'ailleurs. Il n'y a qu'une explication à cette infériorité que l'on constate depuis quelques années. Nos joueurs ne pratiquent le tennis que la valeur de trois mois par année, cependant que nos voisins manient la raquette durant douze mois. C'est que nous n'avons pas un local assez spacieux pour recevoir nos joueurs durant les saisons mauvaises(3).

Du tennis en gymnase

 

Un premier projet est avancé par un Conseil des Chevaliers de Colomb en 1937(4). Malheureusement celui-ci, comme d'autres par la suite, ne verra jamais le jour.

La motivation des amateurs va tout de même forcer la mise en place d'installations intérieures dans différents édifices. Par exemple, au début de 1950, on annonce que la salle paroissiale de Limoilou va autoriser la pratique du tennis et qu'une ligue est en formation(5). D'autres institutions vont se joindre au mouvement et on jouera l'hiver dans des gymnases aussi à Beauport et au Quebec Winter Club jusqu'aux années 1970. Cependant, ces aménagements ne peuvent rivaliser avec des terrains de tennis extérieurs pour des raisons de dégagement, de surface, etc. Le « vrai » tennis intérieur est toujours attendu.

Tennis salle Limoilou

Tennis salle Limoilou en 1950 (Le Soleil, 7 janvier 1950

Un nouveau projet: le Montcalm

Le 15 octobre 1971, un groupe dirigé par Jean Marois annonce qu'un club intérieur sera érigé avant l'hiver dans une bulle gonflable au 850 Chemin St-Louis. Le site est celui du club Québec, non loin de l'avenue Belvédère. La date d'ouverture a été fixée au 15 novembre. Est-ce que cette fois pourrait être la bonne?

D'abord, qui sont Jean Marois et le club Québec? Marois est un sportif bien connu en ville : il participe aux compétitions de tennis depuis les années 1940 en plus d'avoir gardé les buts des As de Québec au hockey durant dix ans(6). Il est en 1971 président du club Québec, qui a pris la relève du fameux club des Employés civils, chassé de son site près de la porte Saint-Louis par les travaux d'excavation en vue du stationnement du Carré d'Youville(7).

Avant même le début du projet, le club prend un nouveau nom : le Montcalm. Le projet, appuyé par des gens d'affaires comme le marchand d'articles de sport Guy Massicotte, semble reposer sur des bases solides, et Marois rappelle que l'ouverture se fera « dans la semaine » du 15 novembre(8).

Quelle est cette drôle de structure qu'une bulle de tennis? Le concept a été mis au point en Suède, sous le nom de Barracuda, et est devenu populaire aux États-Unis. L'enveloppe, qui peut être gonflée en vingt minutes, réduit le coût d'installation de 50 à 80% par rapport à un bâtiment conventionnel et est capable de résister à des vents de 70 milles à l'heure(9).

 

 

Bulle de tennis

Une bulle de tennis installée en Suède (Le Soleil, 19 novembre 1971)

 

Gonflement de la bulle  de tennis Montcalm

Jean Lemieux, Jean Marois, Michèle Bédard
et Roger Lamarre durant le gonflage de la bulle
(Le Soleil, 25 novembre 1971)

Les travaux progressent et Le Soleil publie le 24 novembre une photo de la toile étendue sur le site et prête à être gonflée. L'opération est complétée enfin cette même journée, au grand plaisir des responsables du club Montcalm. La structure fait pas moins de 114 pieds de long par 111 de large et 31 de haut, pour un volume total de 28.330 pieds cubes(10). Elle sera rapidement investie par les amateurs : la ligue féminine O'Keefe, par exemple, doit y commencer ses activités dès le début de décembre(11).

La bulle est moins coûteuse à installer qu'un édifice construit, mais peut aussi présenter des faiblesses. À peine quelques mois après l'ouverture, une formidable tempête de neige secoue Québec le vendredi 4 février 1972. Résultat : la bulle se retrouve à plat, dégonflée. Heureusement pour les responsables et les amateurs, l'ouvrage est sous garantie et l'entreprise sera en mesure de faire des réparations temporaires. Dès le début de mars, les activités des ligues peuvent reprendre(12).

Malgré cet incident, le succès est au rendez-vous. Avec une centaine de membres et trois ligues en opération, les terrains sont occupés de 5 heures à 23 heures et Jean Marois peut affirmer à la fin de ce premier hiver que les résultats dépassent de 50% les prévisions. C'est d'autant plus satisfaisant que l'affaire n'était pas garantie d'avance. « Il fallait des mordus du tennis pour risquer un investissement de 40.000$ à huit », ajoute le président.(13).

D'ailleurs une nouvelle bulle commandée en Suède, améliorée et renforcée, viendra remplacer l'originale avant l'hiver suivant. Le gonflement est prévu pour le 25 novembre 1972, et Marois pense même en faire installer une deuxième(14).

Un déménagement

Maquette du club Montcalm

La maquette du futur club Montcalm sur le boulevard Champlain
(Le Soleil, 6 octobre 1973

Cette deuxième bulle ne viendra jamais, mais la première va connaître une nouvelle étape de son histoire mouvementée. Le Soleil du 6 octobre 1973 annonce en effet que le tennis à Québec a fini de « balbutier ». Le club Montcalm va déménager du Chemin St-Louis à l'Anse aux Foulons, entre le Club de yacht de Québec et l'Imperial Oil, sur un terrain loué aux Ports nationaux. C'est d'ailleurs le site où il se trouve toujours en 2021. Avec ce projet, le « balbutiement » doit prendre fin : on construira un ensemble de quatre courts intérieurs permanents, en plus de quatre extérieurs et des deux sous la bulle qui sera déménagée boulevard Champlain. Tous ces courts présenteront une surface en terre battue.

En mars 1974, on annonce que la bulle sera déménagée en juin(15). Le mois suivant, les derniers détails sont révélés sur le nouveau club du boulevard Champlain. Ce sera un centre de tennis et squash, un projet évalué à 450.000$(16).

Les travaux prennent tout de même du retard à cause du conflit de travail dans la construction. Jean Marois espère que le nouveau club sera disponible pour les 600 membres en décembre(17). Le stade sera finalement prêt à la fin de l'hiver 1975 tandis que la bulle trouvera son nouvel emplacement au printemps(18).

 

Pourtant, le règne de celle-ci ne sera pas aussi long boulevard Champlain qu'il l'avait été Chemin St-Louis. Le jeudi 13 janvier 1977, Le Soleil publie une photo de la toile déchirée par la tempête du lundi 10. On rappelle que cette toile avait été achetée aux États-Unis quatre ans auparavant au coût de 50.000$.

Ce dernier incident marque la fin du tennis en bulle puisque le club Montcalm ne la remplacera pas. Heureusement, les amateurs ont maintenant leur tennis intérieur qui, lui, sait résister au climat hivernal. La bulle aura tout de même devancé de quelques années la pratique du tennis en hiver sur de réels courts dans la région de Québec.

Bulle de tennis déchirée

La bulle du Montcalm déchirée par la tempête (Le Soleil, 13 janvier 1977)

NOTES

1. On sait qu'un championnat intérieur pour l'Est du canada  a été tenu à Montréal en 1921; voir le Quebec Chronicle (QC), 20 octobre 1921.
2. QC, 22 avril 1921.
3. Voir par exemple dans L'Action catholique (AC) l'article de JM Dessureaux du 8 août 1930 ou l'entrevue donnée par GH Morency, président du club Voirie le 24 juillet 1936.
4. AC, 5 mai 1937.
5. AC, 5 janvier 1950.
6. Sur la carrière de sportif de Jean Marois, voir Le Soleil (LS), 25 mars 1952 et 25 octobre 1978.
7. LS, 25 mai 1971.
8. LS, 11 novembre 1971.
9. LS, 19 novembre 1971.
10. LS, 25 novembre 1971.
11. LS, 30 novembre 1971.
12. LS, 3 mars 1972.
13. LS, 1er avril 1972.
14. LS, 24 novembre et 30 décembre 1972.
15. LS, 22 mars 1974.
16. LS, 18 avril 1974.
17 LS, 25 septembre 1974.
18. LS, 7 février 1975.

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