Jean Marois, entrepreneur

Le 02/06/2025 0

Dans Championnes et champions

[Section précédente: Jean Marois, organisateur]

Après avoir fait sa marque comme athlète puis comme organisateur, Jean Marois va endosser le rôle d'entrepreneur afin de combler un besoin : remplacer les terrains disparus du club des Employés civils. Non seulement il participe à la création d'un nouveau club, mais va rapidement faire évoluer celui-ci. De nouvelles installations vont abriter des courts de tennis intérieurs. D'abord sous la forme d'une bulle gonflable, le projet va évoluer vers une installation permanente à la plage du Foulon, près du Club de yacht de Québec. C'est le club qui existe toujours en 2025 sous le nom de Montcalm.

Cet aspect de son action complète le legs important qu'il laisse dans l'évolution du tennis à Québec.

Un nouveau club et une bulle

Jean Marois ne perd pas de temps à trouver une solution de rechange aux terrains du club des Employés civils en train de disparaître à partir de l'été 1970(1). Dès le printemps de 1971, une annonce est faite : « Grâce à la bonne collaboration » de Mme TH Dunn, vice-présidente des Ateliers protégés Dunn, les abonnés des Employés Civils pourront désormais pratiquer le tennis à l'ancien club Chalmer, 850 Chemin St-Louis, entre Belvédère et Des Braves. Un conseil d'administration est déjà formé avec Marois comme président, Roger Lamarre vice-président, Jos Lemieux trésorier et Michèle Bédard secrétaire. La nouvelle entité va porter le nom de Club de tennis de Québec(2).

Mais déjà, de nouveaux projets sont dans l'air. En juin, le journal Le Soleil lance une nouvelle :

« Yves Potvin, l'un des promoteurs d'un club de tennis intérieur à Québec, a dit que l'on attend plus qu'un mot de la part des autorités fédérales pour lancer le projet pour de bon. Les promoteurs de ce projet auraient les yeux sur un terrain près du Club de yacht de Québec(3). »

Extérieur d'une bulle de tennis gonflable

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vue de l'extérieur d'une bulle de tennis gonflable installée en Suède.
Image publiée dans Le Soleil, 19 novembre 1971.

En plus de Potvin, Marois,  Guy Michaud et Yves Lavoie soutiennent le projet(4). Celui-ci semble prendre de l'ampleur. Au cours de l'été, un porte-parole du Club de yacht révèle que le club des Employés civils, les gouvernements du Québec et d'Ottawa pourraient se joindre à eux dans un projet de réaménagement de l'Anse-aux-Foulons. Un investissement de 250 000$ aurait pour résultat entre autres la construction d'un chalet et de quelques courts de tennis. À cause de l'ampleur du projet et des négociations à compléter, la chose se ferait sur un horizon de deux ou trois ans(5).

Peut-être à cause de ces délais anticipés, le club dirigé par Marois lance en octobre une autre initiative : sur le site du 850 Chemin Saint-Louis, on va installer une bulle gonflable qui abritera deux courts de terre battue. Ouverture prévue le 15 novembre. Parmi les supporteurs du projet, on compte l'homme d'affaires Guy Massicotte, marchand d'articles de sport. Dans la foulée on rebaptise le club, qui portera désormais le nom de Montcalm(6). Une installation comme cette bulle requiert des équipements particuliers. Pour éviter les ombres sur le terrain, on installera deux lampes à mercure de pas moins de 1000 watts(7). Les responsables du projet peuvent compter sur un savoir-faire déjà éprouvé : le concept de cette bulle, qui peut être gonflée en 20 minutes, a été mis au point en Suède sous le nom de Barracuda(8).

Intérieur d'une bulle bulle de tennis gonflableVue de l'intérieur d'une bulle de tennis gonflable installée en Suède.
Image publiée dans Le Soleil, 19 novembre 1971.

Gonflement de la bulle de tennis

 

Celle qui va être mise en place à Québec le 25 novembre 1971 offre une capacité de 28,330 pieds cubes. L'ensemble fait 114 pieds de longueur par 111 de large et 31 de haut(9). L'opération est réalisée sans encombre et les amateurs ne tardent pas à s'approprier les nouveaux terrains. La ligue féminine de tennis intérieur O'Keefe commencera sa nouvelle saison – la 3e - au club Montcalm la semaine suivante(10).

Cette technologie n'est cependant pas à toute épreuve, surtout face à l'hiver québécois. En février de l'année suivante, la neige et les bourrasques jettent l'édifice par terre. Fort heureusement, la bulle est toujours sous couvert de la garantie, les réparations se font rapidement et les activités reprennent au début de mars, après seulement un mois de pause(11).

[À gauche: Jean Lemieux, Jean Marois, Michèle Bédard et Roger Lamarre anticipent le gonflement de la bulle. Photo Le Soleil, 25 novembre 1971.]

La réalisation de ce projet reflète le dynamisme dans la situation du tennis à Québec à ce moment-là. Dans un bref bilan livré au début d'avril de cette même année, Jean Marois avoue : « il fallait des mordus du tennis pour risquer un investissement de 40 000$ à huit ».

En dépit de la déception entraînée par l'écrasement, causé par un défaut de fabrication, le groupe ne regrette aucunement l'achat de la bulle, d'autant plus que la compagnie a respecté les garanties prévues. Au surplus, les résultats dépassent les espérances, poursuit Marois : « Nous allons boucler nos affaires avec un résultat 50% supérieur de ce que nous attendions ». Les courts doivent être occupés régulièrement de 17 à 23 heures jusqu'en mai et trois ligues sont en activité, dont une féminine(12). Cette situation illustre la vitalité du tennis à Québec et surtout le fait que le tennis intérieur était attendu impatiemment. D'ailleurs, fin novembre 1972, une nouvelle bulle sera installée pour remplacer celle qui a été endommagée en févrieri(13) L'ambition de Marois et de son groupe ne s'arrête cependant à ce premier succès. Voyant la progression du tennis comme sport de masse, on pense déjà à ajouter une deuxième bulle(14).

 

De la bulle au stade permanent

Les développements vont cependant venir sous une forme encore plus permanente – et plus solide. En compagnie de Jean-Yves Laurin(15), Marois dévoile en octobre 1973 les grandes lignes d'un projet qui était en gestation depuis plusieurs années : le déménagement du club Montcalm à l'Anse-aux-Foulons, sur un terrain loué aux Ports nationaux, entre le Club de yacht et la Cie Imperial Oil. Des travaux d'excavation sont d'ailleurs déjà en cours. Une compagnie à but non lucratif de 70 actionnaires porte le projet qui doit comprendre 4 courts intérieurs permanents, 6 en terre battue - 4 extérieurs et 2 sous la bulle déménagée-, en plus de quelques courts de squash(16).

L'affaire se précise en avril suivant. L'investissement prévu est de 450 000$. En plus des 70 actionnaires, Montcalm Automobiles et Massicotte Sports se sont engagés à investir chacun 25 000$ pendant six ans. Avec les 500 membres attendus, il est prévu un profit d'exploitation de 75 000$ par an(17). Le conflit syndical dans la construction retarde la réalisation du projet, mais en septembre la charpente de l'édifice est érigée(18). Nouveau type d'installation, nouvel encadrement. Des écoles de tennis se mettent en place à Québec et le Montcalm aura son pro à temps plein : Jack Hérisset prend place en février 1975(19).

Marois et ses associés semblent même avoir lancé un mouvement. À peu près au moment du début des opérations au Montcalm, un groupe mené par William Belzil annonce aussi un projet de tennis intérieur à L'Ancienne Lorette. Grâce à un investissement de 1,5 millions$, Tennisport comprendra huit terrains de tennis sur une surface de 57 000 pieds carrés. Prévu pour entrer en service en septembre, le nouveau club pourra accueillir jusqu'à 1000 membres(20).

Le tennis intérieur pour le public est enfin arrivé à Québec.

 

Maquette du club Montcalm

Maquette du futur club Montcalm sur le boulevard Champlain.
Photo Le Soleil, 6 octobre 1973.

Un héritage important

Marois va par la suite demeurer actif durant plusieurs années au tennis, autant dans la pratique du sport que dans la gestion du club Montcalm. Après une vie bien remplie, il décède le 3 janvier 1996 à l'âge de 72 ans. Il était alors résident de Saint-Antoine-de-Tillyi. Il laisse un héritage important, autant comme athlète ayant réussi dans deux disciplines aussi différentes que le hockey et le tennis, que comme exemple et modèle pour sa contribution à l'avancement du tennis dans la région. 

D'abord au hockey, il a connu du succès depuis le niveau junior jusqu'aux rangs professionnels. Dans ses dix ans comme de gardien de but des As de la ligue Senior, il est resté un joueur de premier plan et a contribué ainsi à mener son équipe jusqu'aux éliminatoires à chaque saison.

Au tennis, il a démontré une longévité peu commune à l'époque. À quatorze ans, il participait aux championnats provinciaux junior et juvénile à Montréal. Champion junior de la ville de Québec deux années de suite, il remporte ensuite le tournoi intermédiaire en 1945 et, la même année, la coupe Rondeau qui couronne le meilleur joueur senior de la région.

Dès lors, les victoires s'additionnent à l'extérieur : championnat de l'Ontario et, surtout, championnat du Québec en 1946. Il est le premier joueur masculin de la ville de Québec à accomplir cet exploit, et il le réussit contre le redoutable Henri Rochon, alors premier joueur au Québec et un des meilleurs au Canada. Ces succès vont se poursuivre jusqu'à la cinquantaine alors qu'en équipe avec Jacques Giguère – un autre tête de série de Québec – Marois participe à plusieurs éditions de la coupe Stevens, un équivalent de la coupe Davis pour les 45 ans et plus. La consécration va venir en 1976 alors que Marois agit comme capitaine de l'équipe du Canada et que celle-ci va enlever la coupe à l'équipe américaine, qui subit sa première défaite dans l'histoire de ce tournoi.

De plus, ce qui est peu usité dans le cas de Jean Marois, c'est qu'au-delà de la pratique du tennis, il va s'impliquer dans tous les aspects de son développement : membre des conseils de direction de clubs, formateur de joueurs et d'entraîneurs, etc. Mais surtout, les moments les plus mémorables de son action – avec les autres membres de l'équipe de direction du club des Employés civils - demeurent évidemment la présentation de compétitions de tennis international à Québec durant presque dix ans. On lui attribue la paternité de la formule du tournoi Rotation, avancée pour convaincre Radio-Canada de télédiffuser les matches. Avec la série de tournois Rothmans qui a suivi, Québec, toujours grâce au club des Employés civils, est devenue pendant une décennie une plaque tournante du tennis international.

Encore aujourd'hui, des responsables du tennis de la région reconnaissent la très grande contribution que Jean Marois a apporté dans le développement de ce sport à Québec.

 

NOTES

1. Sur la disparition du club de tennis des Employés civils, voir notre article « Janvier 1972, Le Quebec Winter Club est vendu aux Employés civils ».
2. Le Soleil (LS), 25 mai 1971.
3. LS, lundi 28 juin 1971.
4. LS, 24 juillet 1971.
5. LS, 6 août 1971.
6. LS, 11 novembre 1971.
7. LS, 16 novembre 1971.
8. LS, 19 novembre 1971.
9. LS, 25 novembre 1971.
10. LS, 30 novembre 1971.
11. LS, 5 février et 3 mars 1972.

12. LS, 1er avril 1972.
13. LS, 24 novembre 1972.
14. LS, 30 décembre 1972.
15. Originaire de L'Ancienne Lorette, Jean-Yves Laurin est une figure importante du tennis dans la région. Au moment de cette annonce, il est président du comité organisateur du tournoi international Rothmans à Québec.
16. LS, 6 octobre 1973.
17. LS, 18 avril 1974.
18. LS, 25 et 26 septembre 1974.
19. LS, 7 février 1975.
20. LS, 27 février 1975.
21. LS, 4 janvier 1996.

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