Le premier cheval à Québec

Le 01/06/2023 0

Dans Le cheval en Nouvelle-France

Le premier cheval arrive à Québec en 1647

Alors que les chevaux semblent absents du continent américain, les explorateurs et colonisateurs européens vont apporter graduellement les leurs à partir du XVe siècle. Ces animaux vont s'installer en permanence, se multiplier et finir par former des races distinctes, comme le cheval canadien pour la Nouvelle-France. Le premier de ces animaux arrivé à Québec est offert au gouverneur Montmagny par la compagnie des Habitants en 1647.

 

 

Les européens

apportent leurs chevaux 

sur le continent américain

dès le XVe siècle

 

Le cinéma western nous a familiarisé avec l'image des grandes plaines de l'Amérique du nord peuplées de chevaux sauvages. En suite de quoi nous avons pu imaginer qu'ils s'y trouvaient depuis toujours. Ce n'est pas le cas, du moins dans la vallée du Saint-Laurent. Les observateurs de l'époque sont formels. Par exemple, Pierre Boucher, qui publie une histoire de la Nouvelle-France en 1664, pose la question et y répond péremptoirement : «  Y a-t-il des chevaux dans le pays? Je répond que non »(1). Aussi éloquentes sont les réactions des amérindiens devant ces animaux, et que nous rapportent les jésuites. Ceux qui ont été amenés en France et y voient circuler des voitures attelées parleront de « cabanes roulantes tirées par des orignaux »(2). Ils s'étonnent en plus « que les orignaux de France soient si traitables et si souples à toutes les volontés de l'homme »(3). Manifestement, ils n'ont jamais vu de chevaux et peinent à croire qu'ils puissent être domestiqués..

D'ailleurs, les Européens ont pris l'habitude d'apporter les leurs. La transplantation s'est établie sur une très longue période. Les premiers animaux importés d'Europe ont été débarqués par des explorateurs dès la fin du XVe siècle; des groupes plus importants ont ensuite été amenés par les colonisateurs qui s'installaient pour rester. Le mouvement d'importation s'est même poursuivi jusqu'au vingtième siècle puisqu'on n'a pas cessé de faire venir des chevaux de différentes races d'Europe afin de réaliser des croisements destinés à améliorer les troupeaux d'ici.

Les arrivées

Les choses commencent avec Christophe Colomb, qui débarque quelques-uns de ces animaux dans les Antilles à son deuxième voyage, en 1493. Plusieurs arrivages dans l'ouest américain et en Amérique latine durant le XVIe siècle sont attribuables aux colonisateurs espagnols. Par la suite, c'est au tour des anglo-saxons et germaniques d'importer des chevaux sur le territoire des États-Unis actuels(4).

À leur tour, les français font la même chose. Des chevaux, bretons ou normands, sont arrivés en Acadie en 1609. Poutrincourt en débarque un second groupe en 1610; en 1613, c'est au tour des Jésuites d'en amener; un autre contingent est signalé par les Jésuites dans leur Relation de l'année 1616(5).  Malheureusement, Port‑Royal connaît une fin dramatique. Le corsaire écossais Argall pille la colonie  cette même année 1616, et le troupeau de chevaux est emmené ou dispersé, en tous cas anéanti.


Les chevaux viennent

d'abord d'Espagne,

ensuite des pays

anglo-saxons

et enfin de France

 

 

"Cheval de la Nouvelle Holande" [sic]

Représentation d'un cheval amené en Amérique par les Hollandais, par Charles Bécard de Grandville, Codex du Nord Amériquain, 1701

[Note: Le territoire de la Nouvelle-Hollande correspond aujourd'hui à celui de la région de New York]

Cheval de Nouvelle-Hollande

Un cadeau pour le gouverneur

 

Huault de Montmagny

Le gpuverneur Charles Huault de Montmagny.
(BANQ, collection Livernois)

 

Du côté de Québec, il y a des animaux domestiques au moment de la mort de Champlain, mais pas de chevaux. Les Jésuites décrivent la situation en 1636: « Nous avons ici des boeufs et des vaches qui nous servent à labourer les terres défrichées. On a cette année amené quelques ânes qui rendent de très bons services. Les chevaux pourraient servir, mais rien ne presse d'en amener »(6). Les boeufs servant au labour, les chevaux ne sont donc pas indispensables au défrichement. Bien plus, écrit encore Pierre Boucher, ils risqueraient d'être massacrés à peine débarqués en Amérique alors qu'il en coûte une fortune pour les faire traverser l'océan: « c'est qu'il en coûterait beaucoup à les faire venir de France; il y a peu de personnes qui ayent [sic] de quoi faire les dépenses: et d'ailleurs l'on craint qu'étant venus les Iroquois ne les tuent, comme ils font nos autres bestiaux, ce qui serait bien fâcheux à celui qui aurait fait la dépense de les faire venir »(7).

Un événement semble être passé inaperçu pour Pierre Boucher : un premier cheval a mis la patte sur les rives du Saint-Laurent dès 1647, soit vingt ans avant qu'il ne publie son Histoire. La Compagnie des habitants l'a fait venir de France pour l'offrir en cadeau au gouverneur, Charles Huault de Montmagny(8). On peut se demander de quelle utilité pouvait être ce cheval pour son propriétaire dans une colonie qui comptait tout juste cinq cent personnes et pas de réseau routier. Mais la compagnie venait d'être formée en 1645 par des amis du gouverneur, et on voulait sans doute commencer les opérations avec éclat(9).

Ce premier spécimen restera seul et sans lendemain, puisqu'on en entendra plus parler par la suite, qu'il ait été tué par les Iroquois comme l'appréhendait Boucher, ou mort de cause naturelle. Le cheval est tout de même promis à un bel avenir dans la vallée du Saint-Laurent, mais il faudra attendre les envois royaux des années 1660 pour une implantation durable.

[Prochaine section : Les envois royaux]

NOTES

1. Pierre Boucher, Histoire véritable et naturelle des moeurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada, (1664), Boucherville, 1964, pp. 23, 137.

2. Relations des Jésuites: Jesuit Relations and Allied Documents 1610-1791, Éd. par Reuben Gold Thwaites, Cleveland, Burrows, 1896-1901, vol. 15, 1638-1639, p.234.

3. Relations... op. cit., vol. 50, 1665, p. 80.

4. Sur les arrivées de chevaux en Amérique, voir Robert West Howard, The Horse in America, Chicago, Follet, 1965, pp. 19-20; David Street, Horses, a Working Tradition, McGraw-Hill Ryerson Toronto, 1976, p. 8, Roger Longrigg, The History of Horse Racing, London, MacMillan, 1972, p. 113 et Frère Isidore, L'élevage du cheval, Oka, 1940, pp. 11-18.

5. Frère Isidore, op. cit., p. 18; Street, op. cit., p. 8; Robert Leslie Jones, «The Old French-Canadian Horse: its History in Canada and the United States», Canadian Historical Review, June 1947, p. 126; Relations, vol. 3, p. 260, 261-263, vol. 4, pp. 53-55.

6. Relations, vol. 9, 1636, p. 164.

7. Boucher, op. cit., p. 138.

8. Relations, vol. 30, p. 182.

9. Denis Vaugeois, et al., Canada-Québec, synthèse historique, Montréal, Renouveau pédagogique, 1978, p. 74.

Québec Nouvelle-France cheval

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