29 juillet 1961

L'événement a été anticipé de longue date. Dès le mois de mars, le représentant local de la Canadian Lawn Tennis Association, J. Albert Paquet, annonçait que, non pas une seule, mais trois rencontres de la première ronde de la coupe Davis pourraient être jouées à Québec à l'été, sur les terrains du club des Employés civils. La première mettrait en présence les équipes du Canada et du Mexique, du 29 au 31 juillet. Le vainqueur de cette série affronterait ensuite le Maroc du 5 au 7 août, toujours à Québec. Enfin, si le Canada remportait les deux affrontements, la ville serait probablement l'hôte du match suivant contre les États-Unis. Il s'agira de la deuxième occasion du genre : en 1960, Québec a été pour la première fois le site d'une rencontre de la coupe Davis. Celle-ci s'est jouée entre la Canada et les États-Unis et l'événement a été couronné de succès⁽²⁾.

L'optimisme des membres du comité d'organisation repose sur le fait que l'équipe canadienne, composée de Robert Bédard, François Godbout et John Swan, arrive cette année mieux préparée à ce genre de rencontre. Ils estiment que Bédard a des chances de remporter ses deux parties en simple et qu'il peut jouer un solide double en compagnie de Godbout. 

De son côté, l'équipe mexicaine compte Antonio Palafox, Mario Llamas, Pancho Contreras et Rafael Osuna. Elle n'est pas à prendre à la légère. Par exemple, Osuna a remporté le double à Wimbledon en 1960⁽³⁾. Llamas, pour sa part, était semé troisième au dernier championnat de France⁽⁴⁾.

Le comité des matches de la coupe Davis; assis : Claude Dufresne, publiciste, Gaston Savard, vice-président
du comité et président du club des Employés civils, J. Albert Paquet, président, Claude Bergeron, secrétaire;
debout : Gaston Goulet, conseiller technique et Guy Demer, directeur. (Photo Le Soleil, 11 juillet 1961)

À mesure qu'approche le moment de la rencontre, les avis des connaisseurs se font de plus en plus circonspects. Léonce Jacques du Soleil résume la situation :

« Un court sondage auprès des officiels du tennis québécois rencontrés à cette occasion a démontré que les opinions sont partagées sur l’issue de la série mais tout le monde est unanime pour prédire qu’ il s'agira d'une rencontre contestée.

Quelques-uns se sont prononcés ouvertement. D’autres ont été plus prudents. Mais tous s'accordent pour dire que les chances du Canada reposent en grande partie sur les épaules de Robert Bédard. Personne ne contestera qu'il est facilement le meilleur joueur au pays et les Mexicains eux-mêmes ne sont pas sans le savoir. Contreras, qui parle bien l’anglais, a même confié à un confrère que Bédard est l’homme à battre si le Mexique veut partir de Québec avec la victoire. »

Le tirage a lieu le vendredi 28 et il est effectué par le premier ministre du Québec Jean Lesage. L'opération est importante puisqu'elle déterminera les adversaires pour les deux premiers simples de la série. Même si les capitaines des deux équipes, Lorne Main pour le Canada et Pancho Contreras du Mexique, n'ont rien révélé de leur alignement, le souhait de l'équipe canadienne est que le nom de Bédard sorte en premier⁽⁵⁾.

Publicité pour la rencontre Canada-Mexique, 
Le Soleil, 21 juillet 1961.

Le résultat du tirage correspond aux vœux du Canada puisque la première partie de simple va mettre en présence Bédard et Llamas tandis que la deuxième se jouera entre Godbout et Palafox. Ces deux matchs sont prévus pour le samedi 29 alors que le double se jouera le dimanche. Pour ce dernier, le choix des joueurs est à la discrétion des capitaines. Tout le monde se dit satisfait du résultat. Lorne Main le premier :

« Je suis content de voir que Bédard jouera le premier simple. Il a l'habitude de jouer le premier match et c'est ce qu'il souhaitait personnellement. S'il bat Llamas, Godbout sautera sur le court avec plus de confiance pour son match contre Palafox. »

De son côté, Pancho Contreras voit un bon côté au fait que Bédard joue le premier match :

« Si Llamas l'emporte dans le premier match, nos avons de bonnes chances de nous assurer de la victoire dimanche après-midi dans le double. Par contre, si Llamas perd son match contre Bédard dans le premier simple, je crois que Palafox pourra égaliser les chances aux dépens de Godbout et je crois que nous pourrons prendre une avance de 2-1 en gagnant le double. On verrait alors Godbout contre contre Llamas dans le premier simple de lundi et je crois que c'est à notre avantage⁽⁶⁾. »

Qui aura raison?

Les deux équipes sont reçues à l'Hôtel de ville pour la signature du livre d'or;
de gauche à droite: François Godbout, P.-H. Lafond, maire suppléant, André Turcot, consul du Mexique à Québec,
Mario Llamas, Luis Quiroz, représentant de la Fédération mexicaine de tennis,
Lorne Main, Antonio Palafox et Robert Bédard;
assis, Pancho Contreras. (Photo Le Soleil, 28 juillet 1961)

Les simples se jouent le samedi 29. Le premier donne raison à l'analyse de Lorne Main. Après un premier set âprement disputé et marqué de bris de service de part et d'autre, Robert Bédard l'emporte sur Llamas par 8-6, 6-4 et 6-0. Les choses changent toutefois lors du match de François Godbout contre Antonio Palafox. Le représentant du Canada livre une belle lutte et réussit à arracher un set, mais il se retrouve débordé par l'expérience de son adversaire qui réussit à commettre un minimum d'erreurs. Le mexicain remporte la victoire par 6-4, 2-6, 6-1 et 6-1.

Des deux côtés, les capitaines voyaient le double, prévu le dimanche, comme le moment clé de la rencontre. Les conditions sont difficiles : une pluie tombée la veille a laissé le terrain en mauvais état. Du côté mexicain, Contreras a décidé de jumeler Osuna et Palafox. Comme prévu, Main leur oppose Bédard et Godbout. On commence avec deux heures de retard et les joueurs se déplacent avec circonspection pour éviter les blessures. Les mexicains présentent « plus de fini », tandis que Godbout, malgré son puissant service (8 as), présente un jeu erratique tant au filet qu'à l'arrière. L'équipe canadienne a pourtant démarré en force et remporté un premier set marathon de vingt-deux parties. Les visiteurs renversent toutefois la vapeur et l'emportent au compte de 10-12, 9-7, 8-6 et 6-4. Le Mexique prend ainsi une avance de 2 à 1 et une sérieuse option sur la victoire, comme le conclut un chroniqueur :

« Cette victoire dans le double suffira probablement à donner la victoire au Mexique tout comme le Canada l’aurait probablement emporté en commençant la journée d'aujourd’hui [le lundi 31] avec une avance de 2-1⁽⁷⁾ »

Les joueurs en action sur le terrain des Employés civils; de gauche à droite, Robert Bédard, toujours élégant, Antonio Palafox, Palafox recevant les félicitations de François Godbout et Mario Lamas. Photos Le Soleil, 31 juillet 1961.

Il reste quand même deux simples à jouer et il est toujours possible de faire mentir les pronostics. Malheureusement pour l'équipe canadienne, c'est l'expérimenté Palafox qui joue dans le premier contre Godbout. Il domine par 6-0, 6-3 et 6-1, ce qui confirme la victoire mexicaine. Même si cela ne signifie plus rien, on joue le deuxième simple où Bédard est opposé au jeune Rafael Osuna. Le vétéran, dans ce match considéré comme « le plus spectaculaire de la série », démontre encore une fois son talent et l'emporte par 5-7, 6-3, 6-1 et 6-2.

Conclusion du chroniqueur Léonce Jacques : « Il manquait un autre Robert Bédard ». Du côté canadien, on est en effet convaincu qu'avec un autre joueur de la trempe du sherbrookois, la victoire aurait été remportée « haut la main »⁽⁸⁾.

C'est une chance en coupe Davis ratée pour le Canada, mais encore une fois le club des Employés civils a réussi à présenter à Québec du tennis de haut calibre. Au surplus, le public a eu l'occasion de faire connaissance avec un jeune joueur mexicain qu'on reverra à Québec quelques années plus tard dans les fameux Tournois rotation : Rafael Osuna. [Voir nos chroniques Tournoi rotation 1965 et Tournoi rotation 1966]

1. Le Soleil (LS), 29 juillet 1961.
2. LS, 25 mars 1961.
2. LS, 11 juillet 1961.
4. LS, 22 juillet 1961.
5. LS, 28 juillet 1961.
6. LS, 29 juillet 1961.
7. LS, 31 juillet 1961.
8. LS, 1er août 1961.

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