La seigneurie L'Islet-du-Portage

Le fief Grandville

Le 07/04/2022

La seigneurie s'agrandit encore

[Section précédente: Marie-Anne de Grandville]

Comme seigneuresse, Anne de Grandville commence d'abord par suivre les traces de son père: pas nécessairement de défrichement, mais agrandissement du domaine. En effet, tandis qu'on ne trouve toujours pas d'indication que des terres ont été concédées, elle obtient le 5 octobre 1707 une nouvelle partie de terre entre L'Islet du Portage et Kamouraska. La nouvelle concession se compose:

« ...d'une lieue ou environ de terre non concédée sur le fleuve St Laurent à commencer joignant le sieur de Forillon dont la concession commence deux lieues au dessus de la rivière Kamouraska et finit une lieue au dessous et en descendant au nord est joignant son ancienne concession avec les isles islets bancs, et battures qui se trouveront vis à vis icelle laquelle sera incorporée et jointe avec la dite ancienne concession pour des deux n'en faire qu'une(1). »

Malgré cette indication d'incorporation avec L'Islet du Portage, certains cartographes vont quand même représenter de façon distincte cette concession sous l'appellation de « fief Grandville », comme le fait Joseph Bouchette en 1815(2). Notons que cet acte complète l'attribution des terres le long du Saint-Laurent entre Lauzon et Trois-Pistoles. L'espace du « fief Grandville » constituait la dernière bande de terre en façade du fleuve qui n'avait pas encore été concédée en seigneurie.

Cependant, cet nouvel ajout, sur lequel Anne de Grandville ne garde qu'un œil lointain, va engendrer un conflit avec la seigneurie de Kamouraska. Cette dispute, qui va se poursuivre pendant plus d'un an, sera portée devant la plus haute instance de justice de l'époque, le Conseil supérieur de la Nouvelle-France, avant que son règlement ne fixe les limites définitives de la seigneurie de L'Islet-du-Portage.

Marie-Anne de Grandville

Le 20/10/2021

Seigneur de père en fille

[Section précédente: Bécart de Grandville]

Après trente ans comme seigneur en titre de L'Islet-du-Portage et sans y avoir fait de réel développement, Pierre Bécart de Grandville l'offre en cadeau de mariage à sa fille aînée, Marie-Anne. Le contrat est signé le 26 octobre 1702, mais le mariage sera de courte durée puisque l'époux meurt précocement de la variole. En vertu du régime de la communauté de biens, Marie-Anne demeurera seule propriétaire non pas d'une, mais de deux seigneuries. 

Bécart de Grandville

Le 26/09/2021

Un seigneur bien connu, peu présent

[Section précédenteUne seigneurie de la Côte-du-Sud]

La seigneurie de l'Ilet-du-Portage a été concédée en 1672 à Pierre Bécart de Grandville, un militaire de carrière et personnage important dans la société de Québec. Même s'il se fait concéder ensuite une autre portion de terre près de celle-ci, il va plutôt s'occuper activement de celle de l'Ile-aux-Oies et négliger le défrichement de l'Ilet-du-Portage. D'ailleurs, après trente ans de possession, ce premier seigneur va s'en départir en faveur de sa fille sans avoir concédé un seul arpent de terre.

Une seigneurie de la Côte-du-Sud

Le 08/09/2021

Un nom: L'Islet-du-Portage

Le régime seigneurial implanté en Nouvelle-France a fortement marqué le paysage de la vallée du Saint-Laurent en réglant l'orientation des terres à la perpendiculaire par rapport aux rives du fleuve. Pourtant, chaque seigneurie prise individuellement n'a pas nécessairement laissé d'empreintes qui auraient survécu jusqu'ici. Rarement trouvera-t-on le souvenir de l'emplacement du moulin banal. Occasionnellement, on peut voir un manoir, et encore, il s'agit le plus souvent d'un édifice reconstruit récemment ou difficilement conservé du dix-neuvième siècle.


On pourrait encore plus difficilement repérer aujourd'hui sur le terrain les limites de ces seigneuries, tant de nouvelles zones religieuses, administratives ou politiques ont découpé son territoire ou s'y sont superposé pour effacer sa réalité: paroisses catholiques, municipalités civiles, circonscriptions électorales provinciales et fédérales, municipalités régionales de comtés, la liste est longue.


La seigneurie a été le premier - et au début la seule – entité socio-économique découpant le territoire sur lequel se sont installées les premières populations dans la vallée du Saint-Laurent, détenant une grande partie des pouvoirs jusqu'à celui de la justice. Donc, cette institution détenait une influence considérable sur la vie quotidienne.


Malgré cela, l'historiographie, surtout l'historiographie contemporaine, est loin d'avoir fait le tour de la réalité des seigneuries concédées sous le régime français. Surtout, les observations sur celles-ci ont été souvent englobées dans des monographies paroissiales ou des biographies des personnages locaux. L'intérêt d'une étude de la seigneurie prise comme entité ne nous paraît cependant pas négligeable compte tenu de son importance pour le développement et la vie économique d'une communauté de peuplement. Le cas de l'Islet du Portage en est une illustration. À l'origine du peuplement de Saint-André-de-Kamouraska, cette seigneurie est aussi devenue sous le régime anglais le siège d'une industrie de construction navale. C'est ce parcours que nous allons tenter de retracer.