Tournoi Rothmans 1972

Le 23/09/2022 0

Dans Tournois et trophées

[Section précédente: le tournoi Rothmans 1971]

Après une première édition réussie du point de vue du jeu et de l'organisation, mais avec des foules moins nombreuses que souhaité, le tournoi Rothmans, une étape du Worlds Championship Tour, revient à Québec en 1972. 

On sait qu'il se tiendra du 9 au 16 avril au PEPS de l'université Laval, et surtout que John Newcombe, qui a fait faux bond l'année précédente, sera présent. Pour leur part, les organisateurs maintiennent toujours leur objectif de 18.000 entrées(1). Pourront-ils réussir?

Newcombe ne tarde pas à s'expliquer sur son absence de 1971 : un engagement pris huit mois auparavant envers une école de tennis au Texas. Il reconfirme toutefois sa présence à Québec cette année. La présence annoncée de Newcombe a donné une impulsion à la vente de billets, et le président Gaston Goulet se montre optimiste(2).

Organisateurs du Rothmans

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Claude Dufresne, Jean Marois et Yves Potvin, un trio clé derrière le président Gaston Goulet. (Photo Le Soleil, 1er avril 1972)

« Un tournoi digne des grandes capitales »

Fin mars, la liste des participants se précise. Il y aura le « hollandais volant » Tom Okker, le sud-africain Clif Drysdale, l'australien Rod Laver et aussi Arthur Ashe, même s'il croit que le Canada lui porte malchance(3). En dépit de ces présences prestigieuses, le tournoi devra surmonter deux grands défis. Tout d'abord, il y aura la concurrence des séries de la coupe Stanley. Après le tournoi de 1971, les organisateurs avaient demandé que les éditions suivantes ne soient pas présentées en été, vu la difficulté d'attirer les spectateurs sur les courts intérieurs du PEPS durant la belle saison. Il n'avait cependant pas été prévu que le nouveau calendrier coïnciderait avec les éliminatoires au hockey. L'autre problème sera la rentabilité du tournoi à Québec par rapport à l'étape du World Championship qui se tiendra à Montréal en septembre. Le responsable de la tournée canadienne chez Rothmans, George Philips, affirme pourtant avec force qu'il n'est pas question de faire une « espèce de test » entre les deux villes(4).

D'ailleurs, on compte sur une nouvelle formule pour accroître l'intérêt des rencontres : le tableau est constitué de telle sorte premières têtes de série ne se rencontreront pas en première ronde. De la sorte, on ne risque pas de perdre un joueur de premier plan au début du tournoi, et on met en valeur les joueurs de cinquième ou septième ronde. Avec ces aménagements et la qualité des 32 joueurs prévus, le président Gaston Goulet affirme que l'événement sera « vraiment d'envergure formidable »(5).

Le tournoi peut enfin démarrer le dimanche 9, avec un affrontement entre John Alexander et Ron Holmberg(6). Le jeune australien de vingt ans commence par un coup d'éclat. En retard 2-5 dans le deuxième set, il remporte cinq parties consécutive pour éliminer son adversaire américain 6-3, 7-5. La surface du PEPS surprend encore des joueurs. « C'est une excellente surface... les mauvais bonds sont pratiquement éliminés mais, par contre, c’est une surface encore plus rapide que le gazon et c'est pour cette raison que l'on n'assiste pas beaucoup à de longs échanges » expliquait Alexander après sa victoire.

 

John Alexander d'Australie

Le jeune australien John Alexander.
(Photo Le Soleil, 10 avril 1972)

Avec la crème du tennis mondial, Québec peut donc offrir un tournoi « digne des plus grandes capitales », commente le chroniqueur Léonce Jacques. Mais encore une fois, on met le public en garde contre la tentation de la désaffection :

« Grâce à ce tournoi. Québec occupe une place très importante sur la scène Internationale du tennis et il faut souhaiter qu'elle la conservera durant encore plusieurs années. Elle la conservera à une seule condition, soit en autant que le public québécois prouvera qu’il sait apprécier un tournoi digne des plus grandes capitales »(7).

Surprises et sautes d'humeur

Jeff Borowiak

 

 

Dès la deuxième journée, des têtes de série tombent. D'abord le champion 1971, Tom Okker, succombe devant la puissance des coups d'un californien de 22 ans, Jeff Borowiak 7-6, 4-6, 7-5. Visiblement déçu après sa défaite, Okker refuse de parler du match et se borne à répondre aux journalistes : « Si vous voulez des commentaires, allez en demander à l'autre ». « Donnez-lui le temps de se refroidir un peu avant de lui demander des commentaires », conseille Arthur Ashe aux reporters. La déception de Okker est d'autant plus facile à comprendre qu'il aurait pu gagner le match par défaut. Borowiak s'est présenté avec trente minutes de retard, mais Okker a tenu à le jouer quand même. Après Okker, c'est au tour de John Newcombe, classé neuvième, d'être éliminé en deux sets de 6-4, 6-4 par Bob Carmichael, un australien qui réside à Paris.

L'objectif de 18.000 spectateurs pourra-t-il être atteint? Pour les deux premiers jours du tournoi , 2814 personnes étaient présentes, une augmentation de... 52 par rapport à l'année précédente(8).

Le mardi est la journée des sautes d'humeur. L'australien Bill Bowrey lance sa raquette au sol après avoir raté un coup facile dans sa défaite contre Rod Laver. Celui-ci a tout de même passé près de la catastrophe. N'ayant pas eu la possibilité de pratiquer sur la surface installée au PEPS, il est mené 1-4 dans le premier set et les organisateurs se demandent si une autre tête de série va partir. Heureusement, Laver réussit à s'adapter à temps et gagne finalement 7-5, 6-4. De son côté, Roy Emerson a besoin de trois sets pour éliminer le sud-africain Maud qui, dans un moment de déception, botte la balle hors du terrain. Enfin, Pilic, fidèle à lui-même, critique les décisions des juges de ligne et de l'arbitre durant son match contre Drysdale. Il aurait même traité son adversaire de « piètre sportif ». Questionné la-dessus, le sud-africain, qui l'a emporté par 6-3, 6-3, refuse de mettre de l'huile sur le feu et affirme que Pilic et lui ont toujours été « de très bons amis ».

La surface, cependant, cause encore des difficultés. Le tapis de tennis a été déposé cette fois non pas directement sur le tartan du PEPS, mais sur une surface en bois qu'on y a ajouté. Avec les changements de température, celle-ci se déforme et cause de plus en plus de faux bonds. Il faudra donc l'enlever et revenir à la formule originale(9).

 

[À gauche: Jeff Borowiak, tombeur de Tom Okker. Photo Le Soleil, 11 avril 1972]

 

Maud botte la balle

 

Déçu après un point perdu, Maud botte la balle. (Photo Le Soleil, 12 avril 1972)

Bowrey jette sa raquette

Bowry jette sa raquette après avoir raté un coup facile. On remarque les estrades plutôt dégarnies.
Photo Le Soleil, 12 avril 1972)

Rod Laver

 

 

Les jours suivants apportent quelques nouvelles surprises. Le gaucher britannique Roger Taylor, classé douzième, élimine le jeudi l'américain Bob Lutz, semé au sixième rang(10). Plus important, l'américain Marty Riessen, septième favori, l'emporte le lendemain en trois manches sur Ken Rosewall, semé deuxième(11). Il est véritablement sur un élan. Après avoir battu Ashe en demi-finale, il remporte le dernier match du tournoi 7-5, 6-2, 7-5 contre un Rod Laver au service défaillant. En empochant son prix de dix mille dollars, Riessen conclut qu'il a eu une semaine plus que satisfaisante en battant ceux qu'il considère comme « les trois meilleurs joueurs au monde ».

 

 

[À gauche: Rod Laver semble voir venir la défaite en finale. Photo Le Soleil, 17 avril 1972]

« Un jour viendra où l'on ignorera simplement Québec »

 

Cette deuxième édition du Rothmans aura encore une fois apporté à Québec du tennis de haut calibre avec l'élite mondiale du sport. Pourtant, une ombre plane toujours sur l'événement : la réponse insuffisante du public. Après un départ encourageant, les présences ont stagné et on peut voir sur  quelques photos des estrades plus ou moins dégarnies. Loin de l'objectif de 18.000 attendu, le total de 10.454 admissions payantes, soit 2118 de moins que l'année précédente, n'en représente même pas 60%. Un chroniqueur met encore une fois le public en garde : « Un jour viendra où l'on ignorera simplement Québec » lance-t-il en guise d'avertissement(12).

Nous verrons dans une prochaine chronique si les choses peuvent s'améliorer dans l'avenir.

 

[À droite: Marty Riessen embrasse ses dix billets de mille dollars.
Photo Le Soleil, 17 avril 1972]

 

 

[Prochaine section : Le tournoi Rothmans 1973]

Marty Riessen reçoit sa bourse

 

NOTES

1. Le Soleil (LS), 2 février 1972.
2. LS, 19 février 1972.
3. LS, 25, 28 et 31 mars 1972.
4. LS, 1er avril 1972.
5. LS, 5 avril 1972.
6. LS, 7 avril 1972.

7. LS, 10 avril 1972.
8. LS, 11 avril 1972.
9. LS, 12 avril 1972.
10. LS, 14 avril 1972.
11. LS, 15 avril 1972.
12. LS, 17 avril 1972.

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