Tournoi rotation 1967

Le 12/01/2022 0

Dans Tournois et trophées

Le rournoi rotation, troisième édition : 1967

[Section précédente : Le tournoi rotation 1966]

Après deux années de succès avec la formule de tournoi « round robin », le club des Employés civils y revient en 1967 pour une troisième année. L'événement a gagné en prestige : certains joueurs étrangers manifestent leur intérêt sans même avoir été sollicités. Ainsi le club bénéficiera cette année de l'embarras du choix en dépit de plusieurs défections imprévues.

Le tournoi, tenu du 14 au 20 août, réunit finalement une autre brochette de haut niveau: Manuel Santana d'Espagne, Roy Emerson d'Australie et Ronald Barnes du Brésil sont de retour. Se joignent à eux Nikola Pilic de Yougoslavie, Jaidip Mukerjea de l'Inde et Mike Belkin du Canada.

Participera, participera pas?

Dès le mois de janvier 1967, le club des Employés civils identifie un groupe de joueurs sélectionnés pour le tournoi rotation : Manuel Santana d'Espagne, Wilhem Bungert d’Allemagne, Ramanathan Krishnan d'Inde, Jose Edison Mandarino du Brésil, Tony Roche d'Australie et Mike Belkin du Canada. Krishnan et Mandarino ont fait sensation en coupe Davis durant la dernière année(1).

Les négociations se poursuivent tout de même : les Employés civils espèrent toujours que Emerson viendra compenser pour sa piètre performance de l'année précédente. D'ailleurs, Claude Dufresne précise que lui et Santana se sont montrés « très raisonnables » dans leurs demandes. Pour rentabiliser au maximum l'événement, le club prévoit installer des gradins capables d'accueillir jusqu'à 2500 spectateurs(2).

Comme première indication que l'événement a acquis une renommée au-delà des frontières, on apprend en mai que Marty Mulligan, un joueur australien qui vit en Italie, a écrit à Québec pour signifier son intérêt à jouer dans le tournoi-rotation. Les organisateurs ont dû lui répondre qu'ils envisageaient d'autres participants(3). Le jeu des possibles ou des non-invités se poursuit durant l'été. Par exemple, on se refuse à demander Arthur Ashe parce qu'il joue du tennis désappointant, occupé par son service militaire(4). D'autre part, pour représenter le Canada, Mike Belkin a été préféré à Robert Bédard puisque ce dernier manque de compétition pour jouer cinq parties de ce niveau en six jours(5).

 

Le comité organisateur 1966

Le comité organisateur du tournoi rotation de 1966: Me Anatole Corriveau, Gaston Savard, Jean Marois, et Claude Dufresne, publiciste.
(Le Soleil, 4 avril 1967)

Un cinquième participant est cependant confirmé : ce sera Nicolas Pilic, premier joueur de Yougoslavie et semi-finaliste à Wimbledon(6). Fin juillet, un message de Moscou prévient les organisateurs que Alexandre Metreveli, qui avait aussi été approché, ne pourra venir à Québec à cause d'engagements au Japon. Par contre, les organisateurs ont reçu confirmation de la présence de Roger Taylor, premier joueur d'Angleterre(7). Encore une fois les Employés civils ont eu l'embarras du choix; ils l'ont préféré à l'américain Cliff Ritchey, qui s'était aussi montré intéressé(8). Même les défections ne viennent pas perturber les préparatifs; le champion de l'Inde Krishnan, qui vient de se désister pour raisons familiales, sera remplacé par son compatriote Jaidip Mukerjea, deuxième joueur du pays(9).

 

Nikpla Pilic et Jaidip Mukerjea

Pilic et Mukerjea en pause. (Le Soleil, 15 août 1967)

Québec vs Montréal?

La seule ombre au tableau vient plutôt de la concurrence de Montréal, qui est en année d'exposition universelle et reçoit le championnat canadien ouvert. Certains organisateurs ont le sentiment que Québec est la « vache à lait » en étant la seule à payer les dépenses de plusieurs joueurs étrangers. Gaston Savard s'est vidé le cœur devant les chroniqueurs sportifs, comme le rapporte Claude Larochelle :

« Québec possède d’emblée le plus percutant tournoi de tennis au Canada grâce au groupe de casse-cou du "Civil” qui assume des risques effarants et qui foncent tête baissée.

Cet effort débouche sur un tournoi sensationnel mais Gaston Savard du club des Employés Civils découvre un aspect agaçant à cette entreprise. D'autres, des Montréalais en particulier, attendent que la table soit mise pour se servir.

Devant un groupe de journalistes, Savard s'est emporté hier et il a déclaré: "Tous les joueurs de grande classe qui seront au championnat canadien qui aura lieu à Montréal une semaine avant notre tournoi, sauf Roy Emerson, seront à Montréal parce que nous les avons fait venir à Québec. Je pense que c'est un non-sens qu'une petite ville comme Québec se charge a elle seule des frais de voyage pour les faire venir au Canada alors que les gens de Montréal se croisent les bras. Tout le Canada cherche à profiter de notre effort financier ».

Avant que l'affaire ne tourne au conflit, d'autres organisateurs prennent le chose avec un peu de philosophie. Jean Marois explique diplomatiquement que, selon lui, c'est tout à l'honneur du club :

« Le fait que d’autres tournois du pays se fient sur le tournoi-rotation pour recruter leurs joueurs devrait être considéré par nous comme un honneur. C’est une sorte d’hommage qu’on rend aux capacités et à la compétence de notre organisation. C’est un moyen d’attirer l’attention sur nous. Et il ne faut pas croire que c’est une situation unique au Canada. Cela se produit dans tous les pays. En Angleterre par exemple, une foule de tournois profitent du fait que Wimbledon attire les grands noms du tennis. Wimbledon ne s'en plaint pas et reste à l’avant-plan. Nous devrions adopter la même attitude(10). »

Place au jeu

Annonce du tournoi 1967

Annonce du tournoi rotation.
(Le Soleil, 3 août 1967)

 

Le tournoi peut enfin commencer le lundi 14 août. On s'attend à ce que le match clé soit celui entre Santana et Emerson(11). D'ailleurs, les organisateurs visent de bonnes assistances et ont fixé un objectif de 22 000 spectateurs, en croissance par rapport aux 17 500 reçus l'année précédente(12)

 

Même si on laisse de côté l'animosité, les aléas du tournoi canadien obligent les organisateurs à remanier le calendrier. Santana et Emerson, retenus au tournoi de Hambourg qui s'est prolongé, sont arrivés en retard à Montréal pour le tournoi canadien. Heureusement, la finale dans laquelle s'affrontaient les deux joueurs a été jouée le dimanche après-midi, mais il a fallu déplacer des rencontres pour leur donner du repos(13).

 

Les remaniements ne sont cependant pas terminés. On recherche frénétiquement le britannique Roger Taylor qui n'est pas encore arrivé à Québec. Les organisateurs apprendront finalement que l'Association anglaise de tennis a averti par télégramme le 8 août la Canadian Lawn Tennis Association: Taylor devait jouer en Autriche au lieu de se présenter au tournoi rotation. Le message n'a pas été transmis à Québec; il s'est plutôt retrouvé au club Monkland à Montréal. Aurait-on confondu avec le tournoi canadien? Encore une fois, les Employés civils doivent se retourner rapidement. Ils font d'abord appel à Robert Bédard qui vient jouer le mardi un match solide contre Pilic en attendant le remplaçant définitif de Taylor: le brésilien Ronald Barnes(14).

Roy Emerson

Roy Emerson au revers.
(Le Soleil, 16 août 1967)

Nikola Pilic

Nikola Pilic au filet.
(Le Soleil, 15 août 1967)

Manuel Santana

Manuel Santana aux autographes.
(Le Soleil, 15 août 1967) 

Barnes : de releveur à champion

Tout remplaçant de dernière minute qu'il soit, Barnes prend la chose au sérieux. Le mercredi, à peine quatre heures après son arrivée à Québec, il réussit une victoire contre Santana(15). Par la suite, personne ne semble pouvoir l'arrêter. Il en remet le lendemain en battant successivement Pilic, puis Mukerjea devant une foule record de 2957 spectateurs. Il terminera son essoufflante journée de travail par une victoire en double avec Emerson contre Pilic et Mike Belkin(16).

Certains joueurs trouvent cependant à faire des reproches à la foule. Pilic se plaint que trop de spectateurs circulent autour du court et que cela nuit à sa concentration. Pour sa part, Santana estime que le public n'est pas de son côté et a applaudi Emerson plus chaleureusement que lui durant le match qui les oposait(17).

Barnes complète sa semaine d'abord en battant Emerson contre toute attente, puis ensuite Mike Belkin. Il remporte le tournoi avec cinq triomphes tandis que Santana confirme sa seconde place avec une victoire sur Pilic. Pour le brésilien, c'est un sommet dans sa carrière : « C'est la première fois que je bats autant de joueurs de classe dans le même tournoi », dira-t-il  en allumant une cigarette après son cinquième gain. Encore une fois, Emerson se révèle une déception en terminant au dernier rang. Les organisateurs en tirent leurs conclusions et n'hésitent pas à la livrer aux journalistes : « Nous ne sommes même pas intéressés à le considérer parmi les joueurs qui pourraient être invités l'an prochain, pas même s'il était encore à ce moment-là le joueur amateur no 1 », dit l'un d'eux, et cela même si Emerson plaide qu'il a joué en dépit d'un mal de dos. 

Résultat final et bilan

Le classement final est donc le suivant :

1er Ronald Barnes, 5 victoires;
2e Manuel Santana, 4 victoires, une défaite;
3e Nikola Pilic, 3 victoires, 2 défaites;
4e Mike Belkin, 1 victoire, 4 défaites;
5e Jaidip Mukerjea, 1 victoire, 4 défaites;
6e Roy Emerson, 1 victoire, 4 défaites.

Le tournoi aura donc été encore une fois un succès d'assistance avec une foule record de près de 3000 personnes. Cependant, les organisateurs retiennent trois désappointements dans leur bilan de l'événement : outre les défections de Krishnan et Taylor et la piètre tenue de Roy Emerson, le tournoi s'est terminé le dimanche en queue de poisson à cause de la mauvaise température. La pluie a mis fin à la dernière journée de compétition au moment où Mike Belkin entamait une remontée dans son match contre Pilic. Elle annulait par ailleurs la tenue de plusieurs finales prévues et empêchait du même coup Santana d'obtenir un match revanche contre Barnes(18).

À la fin du tournoi, Le Soleil demande à un petit groupe de spectateurs qui ont assisté à la finale d'exprimer leurs souhaits pour l'événement de l'année suivante. Les deux qui reviennent le plus souvent sont : 1) la présence de Arthur Ashe et 2) « un dôme de fibre de verre » pour protéger le terrain des intempéries(19).

On verra dans une prochaine chronique s'ils seront exaucés.

 

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Ronald Barnes

Barnes semble féliciter sa raquette après sa victoire sur Santana.
(Le Soleil, 17 août 1967)

NOTES

1. Le Soleil, (LS), 20 janvier 1967.
2. LS, 4 avril 1967.
3. LS, 26 mai 1967.
4. LS, 21 juin 1967.
5. LS, 10 juillet 1967.
6. LS, 13 juillet 1967.
7. LS, 25 juillet 1967.
8. LS, 28 juillet 1967.
9. LS, 2 août 1967.
10. LS, 2 août 1967.
11. LS, 7 août 1967.
12. LS, 11 août 1967.
13. LS, 14 août 1967.
14. LS, 16 août 1967.
15. LS, 17 août 1967.
16. LS, 18 août 1967.
17. LS, 18 août 1967.
18. LS, 21 août 1967.
19. LS, 22 août 1967.

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